samedi 17 mars 2012

recension de la bio de Bobby Sands


Denis O’Hearn, Bobby Sands, jusqu’au bout, CETIM Les Éditions de L’Épervier, 2011 , 483 p.
Bobby Sands, révolutionnaire irlandais
Bobby Sands fut le premier de dix républicains à mourir des suites d’une grève de la faim entreprise en Irlande du Nord au cours de l’année 1981 pour l’obtention du statut de prisonnier politique.   Pour la communauté internationale, il incarna l’opposition opiniâtre des militants républicains à la politique de criminalisation menée par le gouvernement britannique. Sa mort, aussi tragique fût-elle, démontrait l’échec de la politique de Thatcher. Les prisonniers n’avaient pas cédé et la population catholique nord-irlandaise démontra massivement son appui à leur cause.   Bobby Sands, comme l’un des personnages du  roman Trinity de Léon Uris, avait crié au monde entier : « Rappelez-vous que les Britanniques n’ont rien dans tout leur arsenal impérial qui puisse briser l’esprit d’un seul homme qui refuse de se laisser briser ».
Si le déroulement de la grève de la faim fut suivi avec intérêt et souvent avec passion à travers le monde, trente ans après l’événement on connait encore peu ce qui a conduit à celle-ci et qui en était le meneur. C’est pour cette raison que la traduction française de l’excellente biographie politique de Bobby Sands, écrite par Denis O’Hearn, tombe à point.   Cette biographie, qui relate la vie de Bobby Sands de sa naissance à sa mort, nous plonge dans une société gangrénée par le sectarisme et dominée par une majorité protestante qui refusait par tous les moyens d’accorder l’égalité aux catholiques. 
Comme de nombreux jeunes catholiques, Bobby Sands fut poussé vers l’IRA provisoire par les humiliations subies et les menaces reçues.   Arrêté une première fois à l’âge de 17 ans, il passera l’essentiel du reste de sa courte vie en prison.    La prison sera pour Sands son université. Il y apprit le gaélique et s’y instruisit sur les luttes de libération et les combats révolutionnaires menés à travers le monde.   Rapidement, il se découvrit une conscience révolutionnaire.   Son combat avait désormais comme objectif l’établissement d’une république unie et socialiste. De retour en prison, après une courte période de liberté, Sands se joignit à la lutte entreprise par ses camarades contre la nouvelle politique de criminalisation des prisonniers républicains.
Tous les républicains condamnés après le 1er mars 1976 n’avaient plus droit au statut de « catégorie spéciale », un statut équivalent à celui de prisonnier politique, sans le nom.   Refusant d’être traités comme des prisonniers de droit commun, les républicains refusèrent de porter l’uniforme carcéral. Ce geste de défiance leur voudra d’être laissés nu dans leur cellule avec une couverture comme seul vêtement. 
C’est dans la description de la vie quotidienne des « hommes couvertures » que le livre d’O’Hearn se révèle le plus intéressant. Comme le souligne l’auteur, ces hommes devaient endurer la violence des matons, les fouilles corporelles, le froid, l’isolement et les privations de toutes sortes pour maintenir en vie le mouvement de protestation contre la criminalisation de leur lutte de libération nationale.   Au cœur de ce mouvement, il y avait Booby Sands qui coordonnait la résistance, veillait au bon moral des « hommes couvertures » et écrivait des poèmes, des chansons et des coms, ces petits messages destinés aux dirigeants du mouvement républicain pour les tenir au courant de la situation à l’intérieur de la prison.   Après deux ans de lutte, le conflit en prison prit une nouvelle tournure. Empêchés de vider leur pot de chambre par les matons, les « hommes couvertures » décidèrent d’étendre leurs excréments sur les murs de cellules.   Cette « grève de l’hygiène » durera deux ans. En 1980, voyant le découragement gagner les prisonniers républicains, Sands et d’autres dirigeants décidèrent de passer à une autre étape, la grève de la faim. Afin d’éviter la mort d’un gréviste, la première grève de la faim fut levée après 53 jours sans aucun résultat. Sands qui n’avait pas participé à cette grève savait que si une nouvelle grève de la faim n’était pas entreprise rapidement le gouvernement britannique gagnerait le combat de la criminalisation du mouvement républicain. Cette fois-ci, cependant, il le savait, il fallait aller jusqu’au bout, même si cela voulait dire mourir. Sands fut le premier à refuser de se nourrir. On essaya de lui sauver la vie en le faisant élire député lors d’une élection partielle. Mais en vain, Thatcher ne céda pas et après 66 jours de jeûne, il rendit l’âme le 5 mai 1981 à l’âge de 27 ans.  
La prison avait fait de Bobby Sands un révolutionnaire et la lutte en prison fit de lui une icône révolutionnaire. Pour O’Hearn, cependant, l’important de Sands ne se limite pas à sa postérité. La grève de la faim de 1981 changea le cours du conflit nord-irlandais. Elle permit au mouvement républicain d’abandonner graduellement la lutte armée pour la lutte politique.  
Publié dans le Devoir, le samedi 3 mars 2012




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